Cela fait un moment que je n'ai pas écrit ici, car j'ai l'impression d'avoir
fait le tour de tout ce que j'avais à dire. J'ai écris ce blog pour garder un
témoignage de cette période de transition qui a marqué ma vie, pour passer de
la période d'ignorance de soi à la période de connaissance de soi,
libératrice.
Asperger, pour moi, aujourd'hui, ne nécessite plus vraiment un débat, et je
me demande même s'il faut vraiment en faire un combat, dans le sens où c'est
une histoire personnelle, et non pas publique, et qu'il faut que les aspergers
se réapproprient leur façon d'être. Ça n'empêche pas qu'il faut les aider à
s'assumer pour qu'ils ne souffrent plus (et les aspergers entre eux sont les
mieux placés pour apporter cette aide), en les aidant à se connaître, à se
comprendre eux-mêmes et à s'accepter, et même mieux encore, à
s'apprécier comme ils sont. On a tord de penser que c'est un
problème de société. La façon de faire de la société n'arrange rien, bien
évidemment, mais elle n'est pas responsable de tout. Je suis persuadé que les
aspergers ont tout ce qu'il faut entre les mains pour pouvoir trouver leur
place dans la société, à leur manière. Mais comment être aimé, quand on ne
s'aime pas soi-même ? Comment être apprécié si on ne s'assume pas ?
Comment être compris, si on ne se comprend pas ? Une fois que le travail
de compréhension a été fait, il n'y a plus grand chose à dire. Le temps où je
me présentais comme asperger est révolu. Aujourd'hui je suis moi. Asperger,
bien sûr, c'est évident, mais c'est moi avant tout.
Je comprends un peu mieux les gens qui me disaient qu'il ne voulaient pas
que je m'enferme dans une étiquette. Ce qu'ils n'ont pas compris, c'est que
pendant un temps, j'en ai eu besoin, pour trouver mes repères, pour me définir,
pour savoir qui j'étais. Car quand on fonctionne autant à contre courant, ça
n'est pas évident de pouvoir se deviner. Je garde quand même cette étiquette
comme un joker à sortir en cas de situation difficile. Si on ne me comprends
pas, ou si je réagis mal à quelque chose, je peux expliquer que je suis
asperger et en quoi cela consiste, ça m'évitera d'être harcelé. Mais j'aime
aussi les défis et je ne veux pas en rester là. Ce n'est pas pour autant que je
vais à nouveau tenter de vivre des choses pour lesquelles je ne suis pas fait
(la vie de couple par exemple, qui ne me fait pas envie et qui ne me manque
plus), mais j'apprécie, dans une certaine mesure, d'être provoqué, d'être
attiré sur un terrain que je ne maîtrise pas, d'être ébranlé momentanément dans
mon fonctionnement, histoire de voir le monde un peu autrement, juste pour un
temps, comme de petites escapades hors de mon monde intérieur si riche.
J'ai découvert aussi que j'avais des gens formidables autour de moi, qui
sont capables de tout entendre sans me juger, et qui m'apprécient vraiment pour
mon originalité. Ceux qui n'ont pas pu entendre se sont écarté d'eux-mêmes, et
ce n'est peut-être pas plus mal. Il fallait pour cela que je cesse de me cacher
et que je me dévoile comme je suis.
Le plus grand ennemi des aspergers, c'est leur peur d'être
eux-mêmes, qui les empêche d'accepter le fait qu'ils sont hors du
commun, et personne ne peux changer ça à part eux-mêmes. Une fois qu'on a fait
le pas, qu'on a montré qu'on s'assume comme on est, beaucoup de choses rentrent
dans l'ordre et on fini par être respecté.
Un jour viendra, j'espère, mais ça n'est pas pour demain, où on aura plus
besoin de diagnostic, ni de reconnaissance de handicap (on a juste besoin d'une
reconnaissance de différence, c'est tout), chacun sachant pour lui-même s'il
est asperger ou pas, et comment orienter sa vie en fonction de ça. Vouloir un
diagnostic et une reconnaissance de handicap ne doit pas être une fin en soi
(c'est juste pratique dans la société actuelle, mais ce n'est pas idéal), et il
est d'ailleurs étonnant qu'on rappelle sans cesse qu'être asperger n'est pas
une maladie, tout en envoyant systématiquement les gens se faire
diagnostiquer ! Cela faisait un petit moment que cette idée me trottait en
tête, voilà qui est dit !
Je conseille souvent aux adultes qui se demandent s'ils sont asperger ou
pas, de tenter le coup. Quel est le risque après tout ? Personne ne peut
vivre comme un asperger sans l'être vraiment. Au moins, en essayant, on est
fixé. Il n'y a de toute façon aucun "risque" de le devenir, car on l'est, ou on
l'est pas. Soit c'est une façon d'être qui nous correspond, et en essayant,
c'est libérateur, soit ça ne nous correspond pas et on s'en trouve très
mal.
Et pour les proches des personnes qui s'interrogent : laissez-les vivre
leur expérience. Si ça apporte quelque chose à quelqu'un de se dire "je suis
asperger", alors c'est plutôt positif ! Et si vous, ça vous gène, parce
que vous y perdez quelques chose (ce que je peux comprendre car la vie peut
radicalement changer quand on se découvre asperger), alors dite le simplement,
exprimez ce qui vous trouble. Si votre conjoint se renferme sur lui-même parce
qu'il est obsédé par la question du syndrome d'Asperger, dite lui qu'il vous
manque, plutôt que de saper le travail de découverte qu'il est en train de
faire sur lui-même en utilisant vos doutes comme moyen détourné de rétablir une
situation qui vous convenait mieux avant. Et s'il se trompe, ça aura au moins
permis d'éliminer une hypothèse, et donc de faire avancer les choses.
Alors ne vous demandez plus si vous êtes asperger ou pas. Vivez-le, et
l'expérience vous le dira. Tergiverser en attendant un rendez-vous chez un
psychiatre ne fera pas forcément avancer les choses, parce que même après, j'en
connais certains qui ont encore des doutes, parce que "peut-être que le psy n'y
connais rien" et puis "sur tel détail ça ne me correspond pas", etc. N'attendez
pas des autres qu'ils vous disent qui vous êtes. Vous seul le savez. Asperger
n'est qu'un mot qui définit une façon d'être, qui explique des particularités
sans avoir à en dresser laborieusement toute la liste (qui est très longue),
c'est juste une facilité pour expliquer, pas une facilité pour le vivre. Et se
présenter comme asperger diagnostiqué avec une reconnaissance de handicap,
c'est encore une manière de s'excuser d'exister. Et il y a mille manières
d'être asperger, puisque c'est un spectre autistique, donc vous trouverez
toujours une différence avec un autre asperger qui pourra vous faire
douter.
Et si moi j'ai eu besoin d'un diagnostic pour faire toute cette démarche,
dont ce blog est le témoignage, c'est parce que personne ne m'avait dit ce que
j'ai écris ici. Et maintenant, il est temps que les choses avancent, parce...
que je supporte pas quand ça stagne !